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le Blog de Anazur

4 mars 2006

Muhand Saïdi, un artiste peintre engagé

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Muhand Saïdi, artiste-peintre, sculpteur, calligraphe et caricaturiste, crée comme il respire. Homme libre, il a fait de son art un moyen de lutte pour l’amazighité et contre l’arabo-islamisme.

"J’habite dans mon atelier", nous lance Muhand comme pour s’excuser du désordre, son éternel sourire d’enfant timide aux lèvres. Il nous installe dans sa cuisine, faute de place dans le salon jonché de livres, de revues, de tableaux de peinture, de calligraphies et de toiles encore inachevées.

Des portraits de Lounès Matoub et des objets d’art ornent les murs de sa minuscule maison à Imtghren. C’est ici que cet enseignant de l’éducation plastique au collège passe des nuits entières à dessiner, à crayonner, à peindre, à écrire et à décortiquer les secrets d’un alphabet venu des fonds des âges : le Tifinagh.

Après des années de persévérance, de voyages et de recherches, cet infatigable enfant d’Aït Tidjit a réussi à faire de l’alphabet amazigh un outil extraordinaire d’expression des espoirs et des déceptions de tout un peuple.

Regard évasif, Muhand évoque ses débuts. "Ma passion pour le dessin a commencé alors que j’étais encore tout petit. Face au refus de ma famille, j’ai exercé "clandestinement" avec la complicité de mes amis de classe. Ils me cachaient les dessins en contrepartie de crayons de couleur que je leur offrais".

Et Tifinagh ? "Mon vrai engagement a commencé au lycée en 1987 avec le premier contact effectif et affectif avec la graphie amazighe". Mais, note Muhand, "ce n’est que plus tard que j’ai pensé à politiser mon art pour qu’il soit au service de la cause du peuple berbère. Mon engagement m’a poussé à développer plusieurs autres techniques d’expression, notamment la caricature pour évoquer les problèmes politiques dont souffrent ma langue, ma culture et mon peuple sur leur propre terre, Tamazgha".


Bouleversement.

Depuis déjà des années, Muhand n’a de cesse de développer une expression multiforme et polyvalente. Il tente avec succès de mettre en synergie des expressions et des techniques diverses.

Fort de son attachement viscéral aux valeurs ancestrales et à la cause de son peuple, il a réussi à construire un style unique qui lui est propre et à se distinguer dans les milieux artistiques amazighs. Sa distinction, son audace et ses idées dérangent et choquent parfois son entourage.



En juin 1998, le jour même de l’assassinat de Lounès Matoub, il peint avec son sang mélangé avec de la peinture un tableau à la mémoire du poète au sang trahi (voir tableau "le sang de Lounès..."). Muhand avait utilisé son corps comme matériau pour la création de l’une des plus singulières de ses œuvres. La suite n’est que lutte acharnée contre la falsification de l’Histoire, l’arabisation forcée, le mensonge, la lâcheté et la servitude des Berbères de service. Sa caricature très controversée "Imazighen répondent à l’IRCAM" parue sur Tamazgha.fr suscite toujours la polémique. Ses nombreux détracteurs, choqués, lui reprochent sa "cruauté". D’autres lui témoignent son courage extraordinaire.

"Sans choc, nous confie l’artiste, il ne peut y avoir d’art. Il faut que l’œuvre soit capable de dérouter le spectateur et de bouleverser sa façon de penser et de concevoir le monde. Le choc éveille".


L’art, une manière d’être

"L’art, explique-t-il, est un dialogue avant tout. Il est liberté et n’agit que dans la liberté". Pour lui, "Liberté veut dire surtout prise de conscience. En prenant conscience de son rôle en tant qu’artiste créateur, ce dernier met en valeur l’art, la culture et la civilisation ancienne et contemporaine de son peuple. Cette mise en valeur englobe essentiellement la recherche, l’étude et l’analyse etc."

Artiste subversif ? "Non ! L’art est une nécessité publique, un bien commun nécessaire à l’être humain qui doit être intégré dans les cursus scolaires afin de permettre aux enfants de s’épanouir et de s’exprimer en toute liberté".

"Loin de la subversion, l’art, poursuit-il, est une manière d’être et d’être libre. Etre artiste, c’est être le témoin de sa propre vie, de son temps et de son appartenance socio-culturelle".
"L’acte créateur est pour moi un événement, un acte conscient et une quête permanente des racines", dit-il.
"Je ne crée pas dans la souffrance mais dans le questionnement. L’art c’est l’harmonie et le rythme de ma vie. Il est lié à moi".

Jaloux de sa liberté, Muhand est catégorique : "J’aime bien rester indépendant du pouvoir et des circuits officiels qui abrutissent l’artiste. L’artiste créateur engagé, surtout amazigh, est condamné à être en lien permanent et direct avec la société, à créer, à changer et à approfondir perpétuellement ses recherches". L’officialisation de l’art l’assassine.


A. Yafelman.

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